Posted on ven, 30 Jui 2023, 12:57
© IPSA/ Fernando Medina
La détection et la prévention des risques, ainsi que les mesures d’intervention pour y faire face, sont des aspects essentiels de la gestion des effets des organismes nuisibles et des maladies des végétaux. À l’inverse, le manque d’attention portée aux questions phytosanitaires peut affaiblir l’ensemble des systèmes de production alimentaire et le commerce international, entraîner des pénuries alimentaires et causer de graves problèmes économiques et sociaux.
En 2019, une nouvelle souche de maladie fongique transmise par le sol – la race tropicale 4 (TR4) de la fusariose du bananier – a été signalée en Amérique latine. Présente dans une vingtaine de pays, la TR4 est un organisme nuisible majeur qui menace la production bananière. Cet organisme nuisible attaque les racines des bananiers et obstrue leur système vasculaire par lequel ils puisent l’eau et les minéraux dont ils ont besoin, ce qui finit par provoquer la fusariose du bananier. Le champignon se propage par le biais de matériels végétaux infectés et de particules de terre contaminées présentes sur divers vecteurs tels que les outils agricoles, les chaussures, les vêtements, les animaux et les véhicules. L’irrigation, l’eau de drainage, les cyclones et les tempêtes peuvent transporter le champignon TR4 vers de nouvelles plantations et favoriser sa dissémination. Le champignon peut rester en sommeil dans le sol ou sur des plantes hôtes pendant des décennies. Une fois établi dans un champ, la TR4 peut dévaster la totalité de la production et la gestion de cet organisme s’avère difficile et coûteuse.
Depuis la dissémination de la TR4 en Amérique latine, le Nicaragua – plus grand pays d’Amérique centrale – œuvre sans relâche pour protéger contre la TR4 les cultivateurs de bananes, les consommateurs, les producteurs et le commerce mondial. La banane constitue une culture vivrière et commerciale de premier plan pour le Nicaragua, qui en exporte des milliers de tonnes vers des pays tels que l’Allemagne, la Belgique, les États-Unis d’Amérique, le Honduras, l’Irlande et les Pays-Bas.
Préparation aux scénarios de situation d’urgence
En avril 2023, Le Nicaragua a organisé pendant une semaine des exercices de simulation pour renforcer les compétences techniques du personnel concerné dans la région afin de gérer la TR4. Le renforcement des capacités aidera les organismes publics et privés à collaborer dans la détection, le suivi et la lutte contre la maladie. Les exercices de simulation ont été organisés dans le cadre d’une campagne nationale contre la TR4, qui visait notamment à sensibiliser l’opinion publique et à faire adopter la législation nécessaire. Les exercices ont été organisés par l’Instituto de Protección y Sanidad Agropecuaria (IPSA), avec le soutien de la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ils ont réuni des représentants de 15 pays, ainsi que d’organisations nationales et régionales telles que le Système national de prévention, d’atténuation et de réponse aux catastrophes (SINAPRED) et l’Organisme international régional de santé végétale et animale (OIRSA).
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Quatre scénarios de simulation ont été réalisés. Le premier, une simulation en milieu aéroportuaire, a mis en scène deux voyageurs arrivant dans le pays avec des bagages contenant des matières dangereuses telles que du matériel végétal de bananier potentiellement infectieux et des chaussures avec de la terre contaminée. Les fonctionnaires de l’IPSA ont fait appel à des chiens spécialement dressés pour détecter les matières à haut risque présentes dans les bagages. En 2024, le Nicaragua prévoit de dresser 40 chiens pour renforcer la lutte nationale et régionale contre la TR4, en collaboration avec l’école cynophile du Nicaragua.
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La deuxième simulation a porté sur le risque de développement d’un foyer d’organismes nuisibles causé par des échantillons qu’un expert phytosanitaire avait apportés pour les analyser. Afin de prouver la capacité du Nicaragua à diagnostiquer la TR4, l’équipe du laboratoire national a utilisé des protocoles de diagnostic de laboratoire pour examiner minutieusement l’échantillon, ce qui a permis d’enrayer et d’atténuer les éventuels risques.
Dans la troisième simulation, deux agents de quarantaine se sont fait passer pour un couple arrivant du Costa Rica en voiture, via le poste frontière de Peñas Blancas. Afin de détecter un éventuel risque phytosanitaire à la frontière avec le Nicaragua, une équipe de policiers, de douaniers, de vétérinaires et d’inspecteurs phytosanitaires a contrôlé minutieusement la voiture et les bagages du couple. La menace phytosanitaire a été identifiée dans des feuilles de bananier utilisées pour envelopper des articles. Les fonctionnaires ont incinéré les articles et désinfecté les effets personnels des voyageurs.
Lors de la quatrième simulation, qui s’est déroulée dans une bananeraie, des outils numériques ont été utilisés pour détecter la possible présence d’une menace phytosanitaire sur des végétaux et des cultures dans l’exploitation. Un plan d’intervention d’urgence a été mis en place pour enrayer et éradiquer tout éventuel foyer. Dans l’ensemble, les simulations ont permis de renforcer la coordination entre les acteurs nationaux et régionaux, comme le Ministère des catastrophes naturelles et l’armée.
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«Nous pensons que l’IPSA est l’une des premières institutions d’Amérique centrale et des Caraïbes, voire d’Amérique latine, qui permet de coordonner l’ensemble du système d’un pays en une seule action en cas d’urgence liée à la TR4. Nous avons réalisé la première simulation régionale d’urgence face à la TR4 à l’aide de laboratoires mobiles et de tous les outils de diagnostic nécessaires pour lutter contre l’organisme nuisible. Le Nicaragua a mis en place une équipe technique formée pour faire face à toute situation d’urgence liée à la TR4», a déclaré le directeur exécutif de l’IPSA, M. Ricardo Sommariba, à l’issue des exercices de simulation.
Lutte nationale contre les organismes nuisibles aux végétaux
Les exercices de simulation font partie du plan à long terme du Nicaragua visant à renforcer son système phytosanitaire afin de gérer les risques phytosanitaires tels que la TR4. En 2019, le pays a réalisé une évaluation des capacités phytosanitaires (ECP), qui a permis à l’organisation nationale de la protection des végétaux (ONPV) et aux parties prenantes de recenser et de combler les lacunes en matière de surveillance, de planification et de réponse aux urgences phytosanitaires, notamment aux frontières du pays. Le processus d’ECP a aidé le Nicaragua à mettre au point des outils permettant de mobiliser et de gérer les ressources phytosanitaires. L’ECP a contribué à améliorer la collaboration avec les acteurs nationaux et internationaux concernés, comme les producteurs, les exportateurs, les importateurs, les transporteurs, les universités et les organismes publics. L’ECP a été menée par l’IPSA, avec le soutien du Secrétariat de la CIPV et du Bureau de la FAO au Nicaragua.
Le Nicaragua a également révisé sa législation phytosanitaire et a adopté en 2020 la loi sur la protection phytosanitaire. Avec ce nouveau texte, le Nicaragua répond désormais pleinement aux exigences de la CIPV, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des normes et des recommandations relatives à la santé des végétaux et au commerce des végétaux et produits végétaux. En mai 2023, le Nicaragua a déclaré que la TR4 constituait une urgence phytosanitaire et a mis en place des processus pour prévenir et gérer son introduction dans le pays.
Le Secrétaire de la CIPV, M. Osama El-Lissy, a félicité le Nicaragua pour son action exemplaire en matière de prévention, de préparation et de réponse face à la TR4 du bananier, et pour avoir incarné les aspirations de la CIPV.
«La TR4 de la fusariose du bananier constitue une menace. Si nous voulons que les habitants du Nicaragua, des Amériques et du monde entier puissent consommer des bananes nutritives, nous devons prendre des mesures pour empêcher l’introduction et la dissémination de la TR4 dans de nouvelles zones», a-t-il déclaré.
«Je félicite le Nicaragua d’avoir pris des mesures pour prévenir la TR4 et j’encourage les autres pays touchés par le problème à adopter les bonnes pratiques phytosanitaires du pays dans leurs propres systèmes. Le Secrétariat et la communauté de la CIPV demeurent résolus à collaborer avec les parties contractantes et l’ensemble des parties prenantes afin de prévenir et de gérer efficacement la TR4 et protéger les marchandises faisant l’objet d’un commerce important, comme les bananes, contre les organismes nuisibles aux végétaux. Nous pourrons ainsi préserver la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays qui dépendent de la banane pour l’alimentation et le commerce», a-t-il ajouté.
Afin d’aider les pays à améliorer leur capacité à faire face aux urgences phytosanitaires, la CIPV a récemment publié deux guides importants: l’un intitulé Emergency Preparedness: A guide for developing contingency plans for outbreaks of quarantine pests (Préparation aux situations d’urgence: Guide pour l’élaboration de plans d’intervention d’urgence en cas d’apparition d’organismes de quarantaine) et l’autre intitulé Prevention, preparedness and response guidelines for Fusarium Tropical Race 4 (TR4) of banana (Directives pour la prévention, la préparation et la lutte contre la race tropicale 4 [TR4] de la fusariose du bananier).
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