Posted on jeu, 22 Mai 2025, 12:59
Nous sommes en mai, et les jardiniers du monde entier retrouvent le plaisir de travailler la terre. Mais tandis que nous hésitons entre planter des tomates cerises ou des concombres, il y a une chose à laquelle nous ne pensons pas: la menace d’organismes nuisibles venus de l’étranger pouvant dévaster nos jardins.
Cette tranquillité d’esprit n’est pas le fruit du hasard.
Dans l’ombre, une alliance internationale puissante et méconnue œuvre sans relâche. La Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) – un traité multilatéral dont le Secrétariat est hébergé par l'Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) – protège discrètement les jardins, les exploitations agricoles et la sécurité alimentaire depuis plus de 70 ans.
«La santé des végétaux est le fondement de tout. Des sols en bonne santé donnent des végétaux en bonne santé. Et des végétaux en bonne santé sont essentiels pour les hommes et les animaux», explique Avetik Nersisyan, responsable du Secrétariat de la CIPV.
Créée en 1951, la CIPV unit 185 pays autour d’une même mission: enrayer la dissémination internationale des organismes nuisibles et des maladies des végétaux. Cela nécessite une surveillance coordonnée, des alertes précoces, des normes fondées sur des données scientifiques et un engagement commun à protéger les cultures et les écosystèmes. «Les organismes nuisibles ne connaissent pas les frontières», explique M. Nersisyan. «C’est pourquoi la coopération mondiale est essentielle. Protéger les végétaux, c’est protéger la vie.»
Collaborer avec les pays pour améliorer leurs systèmes d’intervention d’urgence permet de suivre et d’enrayer les apparitions de foyers d’organismes nuisibles avant que la situation ne devienne incontrôlable, notamment dans les pays où les capacités techniques et les systèmes de lutte contre les organismes nuisibles sont insuffisants.
Au cœur de la CIPV se trouvent les normes internationales pour les mesures phytosanitaires(NIMP), qui fournissent des orientations détaillées sur la manière dont les pays doivent inspecter, traiter et certifier les végétaux et les produits végétaux afin qu’ils ne présentent aucun danger pour le commerce international. Ces mesures contribuent à éviter que des organismes nuisibles ne voyagent avec les marchandises ou les emballages, par exemple des céréales en vrac ou des caisses en bois.
«Notre mission consiste à élaborer des normes internationales solides et fondées sur des données scientifiques. En les appliquant correctement, les pays peuvent empêcher la dissémination des organismes nuisibles et des maladies avant l’apparition de foyers», explique M. Nersisyan.
Il ne s’agit pas seulement de bon sens agricole. D’après l’USDA, les espèces envahissantes coûtent chaque année quelque 120 milliards d’USDà l’économie américaine. Elles détruisent les cultures, perturbent les écosystèmes locaux et font peser une menace sur la sécurité alimentaire mondiale. Les insectes envahissants détruisent environ 40 pour cent de l’ensemble des récoltes dans le monde.
Et il suffit parfois de peu de choses: un insecte dans un bouquet, un peu de terre sur une semelle ou un simple envoi contaminé. C’est pourquoi la vigilance de la CIPV est cruciale, notamment au printemps, lorsque les insectes réapparaissent.
«Un simple végétal ou un peu de terre peut introduire des organismes nuisibles dans de nouveaux écosystèmes. C’est pourquoi la CIPV met avant tout l’accent sur la prévention», souligne M. Nersisyan.
Pour lutter contre la menace posée par les insectes xylophages, la CIPV a adopté la NIMP n° 15, qui impose que tout emballage en bois (palettes, caisses, etc.) soit soumis à un traitement thermique ou à une fumigation. Lorsque du bois d’emballage subit ces types de traitements, on lui appose un petit marquage représentant un épi de blé. Ce marquage illustre l’action de la CIPV.
Ces normes régissent tout, de l’inspection des semences importées à la manière dont les pays traitent les matériaux d’emballage en bois. Aujourd’hui, plus de 80 pour cent des envois internationaux entrant sur le territoire américain subissent un traitement phytosanitaire. Cela permet de protéger les marchandises, les forêts, les exploitations agricoles et les zones résidentielles.
Les États-Unis collaborent étroitement et depuis longtemps avec la CIPV. Par l’intermédiaire du Service de l’inspection de la santé des plantes et des animaux de l’USDA (APHIS) et de l’Organisation nord-américaine pour la protection des plantes (NAPPO) – un organisme trilatéral qui réunit les États-Unis, le Canada et le Mexique pour harmoniser les règles commerciales et surveiller les organismes nuisibles aux frontières –, les États-Unis contribuent à l’élaboration de normes mondiales et à leur application sur leur territoire.
L’un des récents secrétaires de de la CIPV, Osama El-Lissy, avait lui-même occupé un poste de haut niveau au sein de l’APHIS, ce qui témoigne du solide partenariat entre les États-Unis et l’ONU dans cet effort mondial.
«Aucun pays ne peut tout régler seul. Nous avons besoin de normes, de partenariats et de personnes engagées», explique M. El-Lissy.
Qu’est-ce que tout cela signifie pour le jardinier amateur?
Cela signifie que votre citronnier en pot a moins de risques d’arriver accompagné d’insectes ravageurs des agrumes. Cela signifie que vos tournesols sont moins menacés par les invasions de pucerons. Et cela signifie aussi que votre jardin ne risque pas de devenir l’épicentre de la prochaine urgence agricole.
«Il n’est pas nécessaire d’être agriculteur pour contribuer à protéger la santé des végétaux. Nous voulons que chacun – et pas seulement les décideurs politiques – comprenne qu’il peut apporter quelque chose à son niveau», souligne M. Nersisyan.
Même les plus petits gestes ont leur importance. L’an dernier, une enfant bien intentionnée en Nouvelle-Zélande a commandé des œufs de phasmes exportés depuis le Portugal. Malheureusement, son envoi contenait également des larves rares et envahissantes. Il n’aura pas fallu longtemps avant qu’une équipe de biosécurité, alertée par la mère, ne vienne récupérer le colis. La vigilance de la mère a été déterminante dans cette affaire.
«Un seul envoi contenant un organisme de quarantaine peut mettre en péril les cultures d’un pays tout entier. C’est pourquoi les ONPV doivent veiller à ce que toutes les semences et tout le matériel végétal – même pour les petites exploitations – soient sûrs et certifiés», explique M. Nersisyan. Cela concerne aussi les enfants curieux ou les jardiniers amateurs qui cherchent simplement une nouvelle plante à cultiver.
M. Nersisyan, lui-même, faisait partie de ces enfants passionnés: originaire d’un village agricole en Arménie, il a créé la première exploitation agricole biologique de son pays. «Je voulais sauver des vies. Pas par la médecine ou la politique, mais par l’alimentation et la terre. Il n’y a pas que les grandes exploitations qui comptent. Chaque pays, chaque jardinier a un rôle à jouer», explique-t-il.
Cette année, la Journée internationale de la santé des végétaux, célébrée le 12 mai, a été organisée autour d’un thème d’actualité: l’approche «Une seule santé». Cette approche repose sur l’idée que la santé humaine, la santé animale, la santé végétale et la santé environnementale sont toutes interdépendantes et que chaque action sur l’une d’elles a des répercussions sur les autres.
«La santé des végétaux est négligée dans les discussions mondiales sur la santé. Et pourtant, sans elle, impossible de garantir une agriculture durable, des aliments sains et des écosystèmes résilients. Ce n’est qu’en faisant collaborer tous ces secteurs que nous pourrons bâtir une véritable résilience», souligne M. Nersisyan.
Comme l’a déclaré la Secrétaire américaine à l’agriculture, Brooke Rollins, «l’agriculture est la pierre angulaire de la prospérité nationale». Grâce à l’action discrète de la CIPV – et au solide partenariat entre les États-Unis et l’ONU –, cette prospérité est bien mieux protégée qu’on ne l’imagine.
Alors, la prochaine fois que vous verrez des pousses sortir de terre, pensez à remercier la météo, votre main verte et ce discret réseau international qui leur a permis de germer.
Le monde peut sembler divisé. Mais dans le jardin, au moins, la coopération mondiale bat son plein.
Article initialement publié sur le site web de la Campagne pour un monde meilleur (en anglais).