Posted on mar, 08 Avr 2025, 11:38
© IAEA/Louise Potterton
Depuis plus de dix ans, l’Afrique du Sud recourt aux partenariats public-privé pour lutter contre la mouche méditerranéenne des fruits (Ceratitis capitata [Wiedemann]), aussi appelée mouche des fruits, qui menace le secteur fruitier du pays. Estimant qu’il s’agit d’une approche de lutte efficace, le Groupe de la planification stratégique de la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) a recommandé, lors de sa réunion d’octobre 2024, un modèle semblable pour lutter contre les organismes nuisibles qui ont une incidence importante sur le plan économique, comme la race tropicale 4 de Fusarium oxysporum f.sp. cubense (TR4 de Fusarium).
Un problème avec de fortes répercussions
L’Afrique du Sud produit chaque année plus de 4,7 millions de tonnes de fruits, ce qui représente plus de 50 pour cent des exportations agricoles du pays et 2,5 pour cent de son produit intérieur brut (PIB). L’Afrique du Sud tire environ 11 millions d’USD de l’exportation de plus de 900 000 tonnes de fruits d’arbres à feuilles caduques par an, soit 41 pour cent de l’ensemble des fruits produits dans le pays. Le reste est transformé (39 pour cent) ou vendu localement (19 pour cent), ce qui constitue une précieuse source d’alimentation et de nutrition pour la population. Le secteur fruitier sud-africain compte 460 000 emplois directs dans les exploitations agricoles et les usines de conditionnement.
Néanmoins, la mouche des fruits, l’un des organismes nuisibles agricoles les plus dévastateurs au monde, touche fortement les fruits et les légumes, tels que les agrumes, les melons, les tomates et les poivrons, les rendant invendables ou impropres à la consommation. La lutte contre la mouche des fruits représente un coût élevé pour les agriculteurs commerciaux comme pour les petits exploitants, et doit donc se faire de manière efficace.
Lutte contre la mouche des fruits
Pour protéger le secteur fruitier sud-africain, les revenus des agriculteurs et l’économie, le gouvernement a mis en place, à la fin des années 1990, dans la province du Cap-Occidental, un programme pilote utilisant la technique de l’insecte stérile (TIS). La TIS est l’une des méthodes de lutte contre les organismes nuisibles les plus rentables et les plus écologiques. Elle consiste à élever en masse des mouches mâles qui sont stérilisées par irradiation avant de les relâcher dans des zones infestées de mouches, ce qui prive les femelles de toute progéniture. Appliquée sur de grandes surfaces, la TIS permet de réduire efficacement et durablement les populations d’organismes nuisibles. Bien qu’il manque de financement, le programme a permis de produire quelque cinq millions de mouches mâles stériles et d’en relâcher environ 500 par semaine et par hectare de champ cultivé. Par la suite, les autorités ont construit une plus grande installation d’élevage de masse, amélioré le système de gestion du contrôle de la qualité et introduit une nouvelle souche de sexage génétique. La production et la qualité des mouches stériles se sont améliorées, mais davantage d’investissements étaient nécessaires pour couvrir de plus vastes zones de production. En 2003, le programme a été privatisé et est devenu FruitFly Africa (Pty) Limited. Les producteurs ont dû contribuer à la lutte contre la mouche des fruits en s’acquittant d’une «taxe subsidiaire», mais nombre d’entre eux n’ont pas versé leur contribution, ce qui a nécessité la mise en place d’un nouveau modèle de financement.
Johan Jacobs, contrôleur chez FruitFly Africa, inspecte un piège à mouches des fruits dans la zone de production de fruits d’arbres à feuilles caduques de Tulbagh. Crédit photo: Ghian du Toit
Eureka: un partenariat public-privé qui fonctionne
En 2009, les producteurs de fruits d’arbres à feuilles caduques et de raisin de table et le Ministère sud-africain de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche ont mis en place un partenariat public-privé, chaque partie finançant 50 pour cent du programme. L’installation d’élevage a ainsi été transformée en une installation d’élevage de masse ultramoderne, ce qui a permis d’améliorer la production et la qualité des mouches des fruits stériles.
En 2023, la production de mâles stériles était passée à 65 millions de mouches par semaine, soit une augmentation de 1 200 pour cent depuis la fin des années 1990. Le recrutement de personnel compétent, par exemple des cadres et des techniciens, a également contribué à cette croissance. La population moyenne de mouches des fruits sauvages dans les zones où a été appliqué la TIS a diminué de 73 pour cent. Des mouches ont été lâchées chaque semaine, entre octobre et mai, dans une vaste zone d’environ 40 000 hectares de culture de fruits d’arbres à feuilles caduques commerciaux et de raisins de table. Certaines de ces zones sont actuellement gérées comme des zones à faible prévalence de mouches des fruits, ce qui permet d’accroître les exportations (sûres en termes de résidus).
Sandra Bergstedt, employée à l’installation d’élevage de masse de la mouche méditerranéenne des fruits de FruitFly Africa à tellenbosch, prépare de la nourriture pour des larves. © Image reproduite avec l’aimable autorisation de Ghian du Toit
Pour s’assurer que les petits exploitants des huit zones de production fruitière ciblées bénéficient de cette hausse des exportations, le programme, qui consiste en un système de lutte intégrée à grande échelle contre les organismes nuisibles, a permis de mettre en place des pièges à mouches des fruits et de développer un programme d’appât pour les mouches des fruits, financé principalement par les producteurs, en utilisant un produit à base de spinosad au lieu des produits organophosphorés nocifs pour l’environnement habituellement employés.
«L’approche du cofinancement a fonctionné parce qu’elle était fondée sur une solide analyse coûts-avantages et sur une recherche appliquée approfondie et continue, en vue de réaliser les priorités nationales telles que la compétitivité des exportations, la croissance et le développement économiques, la création d’emplois, la sécurité alimentaire et la réduction de l’utilisation des insecticides», a déclaré Jan Hendrik Venter, directeur de la santé des végétaux au Ministère de l’agriculture, de la réforme agraire et du développement rural de l’Afrique du Sud.
«En tant qu’association de producteurs, Hortgro est très satisfaite des résultats du programme visant à renforcer la surveillance des organismes nuisibles et à réduire le nombre de mouches des fruits dans nos principales zones de production. Nos agriculteurs utilisent l’approche la plus écologique possible pour lutter contre les mouches des fruits dans le cadre d’une approche intégrée à grande échelle. Cela a permis de réduire les rejets d’importation dus aux organismes nuisibles ou aux résidus chimiques», a déclaré Anton Rabe, directeur exécutif d’Hortgro.
Depuis le début de ce partenariat, les exportations de fruits de l’Afrique du Sud sont passées de 558 000 tonnes à 1,02 million de tonnes (croissance de 83 pour cent), garantissant ainsi l’innocuité du commerce, les moyens de subsistance, la croissance économique et la sécurité alimentaire.
Le programme a également permis la participation active des parties prenantes grâce à la diffusion d’informations claires, rapides et complètes. Cela a favorisé les bonnes volontés et assuré un engagement à long terme, essentiel au succès des programmes de lutte intégrée à grande échelle contre les organismes nuisibles.
Afin d’accroître davantage son succès, le programme sur la TIS a été intégré dans un projet financé par le Fonds pour l’application des normes et le développement du commerce de l’Organisation mondiale du commerce, qui vise à déterminer les zones à faible prévalence d’organismes nuisibles et les zones exemptes concernant plusieurs espèces de mouches des fruits en Afrique du Sud et au Mozambique.