Posted on jeu, 11 Jul 2024, 12:56
© IPSA/Fernando Medina
Dans la lutte incessante contre les organismes nuisibles agricoles, les exercices de simulation sont devenus un élément essentiel des stratégies mondiales de protection des végétaux. Les exercices de simulation sont utiles pour lutter contre tous les organismes nuisibles d’apparition récente et ont été utilisés tout récemment par les organisations nationales de la protection des végétaux comme outil de prévention et de préparation contre les apparitions de la race tropicale 4 (TR4) de Fusarium oxysporum f.sp. cubense. Les bananes et les plantains sont cultivés dans 135 pays à travers le monde, où plus de 400 millions de personnes dépendent des bananes pour leur sécurité alimentaire, avec des exportations mondiales qui représentent 10 milliards d’USD par an. Fusarium TR4 est particulièrement insidieux en raison de sa persistance dans le sol et de sa capacité à se disséminer par les équipements, l’eau et le matériel végétal contaminés. Il n’existe actuellement aucun moyen d’éliminer Fusarium TR4 une fois qu’il se trouve dans le sol, d’où l’importance de la prévention, de la préparation et d’une réaction rapide pour enrayer sa dissémination.
Les exercices de simulation reposent sur des scénarios qui reproduisent des infestations réelles et placent les pays en première ligne pour lutter contre les infestations potentielles d’organismes nuisibles. À partir de 2023, lorsque la dix-septième session de la Commission des mesures phytosanitaires (CMP-17) a demandé au Secrétariat de la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) de jouer un rôle moteur dans la coordination mondiale de la lutte contre Fusarium TR4, le Secrétariat a commencé à collaborer avec les bureaux extérieurs de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les organisations régionales de la protection des végétaux (ORPV) et les organisations nationales de la protection des végétaux (ONPV) pour élaborer les protocoles et les recommandations de l’actuel exercice de simulation. En se concentrant sur plusieurs aspects essentiels tels que la détection précoce, la réaction rapide et l’enrayement, et en impliquant les acteurs phytosanitaires nationaux, les participants à l’exercice simulent une véritable apparition de foyer d’organismes nuisibles et peuvent ainsi s’entraîner à identifier les symptômes, à appliquer des mesures de quarantaine, à coordonner les réactions transfrontières et à élaborer un plan d’urgence pouvant être mis en œuvre, au cas où la menace viendrait à se présenter.
Amérique centrale: les exercices de simulation, un élément essentiel de la stratégie régionale en matière de préparation, de prévention et de réaction
Mme Raixa Llauger, fonctionnaire agricole (fruits tropicaux) au Bureau sous-régional de la FAO pour l’Amérique centrale, a beaucoup œuvré pour le développement des capacités et les activités de préparation en Amérique latine depuis que Fusarium TR4 a été détecté dans la région en 2019. Elle travaille en collaboration avec l’organisation régionale de la protection des végétaux, l’Organisme international régional de santé végétale et animale (OIRSA). Depuis lors, des exercices de simulation sur Fusarium TR4 ont été réalisés au Belize, en Colombie, au Costa Rica, en Équateur, au Guatemala, au Honduras, au Mexique, au Nicaragua, au Panama, en République dominicaine, au Salvador et bientôt en Bolivie. Lorsqu’on lui demande pourquoi la région a investi dans la réalisation de nombreux exercices de simulation, Mme Llauger explique que cette stratégie a permis aux pays de renforcer l’approche préventive et la sécurité biologique tout au long de la chaîne de production, de transport et de commerce international des bananes. Se préparer permet aux pays de passer en revue leur système phytosanitaire, notamment les capacités, les ressources et les éléments de leur plan d’urgence, ainsi que les systèmes ou sous-systèmes qui fonctionnent bien, et de déterminer les domaines dans lesquels des améliorations sont nécessaires. Les pays sont ainsi préparés à faire face à une éventuelle menace phytosanitaire et peuvent en même temps promouvoir et renforcer les processus de gestion des situations d’urgence, les plans d’urgence et les plans d’action, entre autres.
En savoir plus sur les activités régionales de simulation organisées par l’IPSA et l’ONPV pour lutter contre Fusarium TR4 au Nicaragua
Mme Llauger cite également l’enrayement réussi de l’organisme nuisible en Colombie: le pays a réussi à ralentir la progression de la maladie, ce qui a permis non seulement de maintenir la production et les exportations, même en présence de Fusarium TR4, mais aussi de les augmenter de 2019 jusqu’à fin 2023. En ce qui concerne l’Équateur, premier exportateur mondial de bananes, dont le cas a été présenté lors d’une réunion parallèle à la dix-huitième session de la CMP (CMP-18), la stratégie de préparation a permis de mettre en place un plan d’urgence national qui a débouché sur l’actualisation de la législation phytosanitaire, notamment onze résolutions techniques, afin de tenir compte de la menace posée par Fusarium TR4.
L’Amérique centrale est constamment à la recherche de moyens pour améliorer les exercices de simulation et le renforcement des capacités. Actuellement, l’OIRSA effectue des tests à son siège de San Salvador pour mettre en place une salle de simulation utilisant des techniques immersives permettant d’appliquer des mesures sanitaires et phytosanitaires, notamment en ce qui concerne la surveillance, l’échantillonnage, la biosécurité, l’évaluation des capacités et d’autres mesures de lutte contre les maladies et les organismes nuisibles agricoles. Ce simulateur 3D est le premier au monde à être conçu pour la lutte contre les organismes nuisibles d’apparition récente à l’aide de l’intelligence artificielle et devrait être pleinement opérationnel au cours du dernier trimestre de 2024.
Afrique: protéger l’avenir de la culture de la banane dans la région
Dans le cadre du projet de facilitation des échanges du COMESA, financé par l’Union européenne, le premier exercice de simulation sur Fusarium TR4 pour la région du COMESA a eu lieu au Kenya en mai 2024. Cet exercice s’inscrivait dans le cadre d’un vaste programme de renforcement des capacités comprenant l’élaboration de guides et formations en ligne de la CIPV, ainsi que des formations en présentiel et en ligne sur le diagnostic et la surveillance de Fusarium TR4, à l’intention des représentants de la région du COMESA. Toutes ces activités font partie intégrante de la mission de coordination mondiale de la CIPV.
L’exercice de simulation a été dirigé par le Secrétariat de la CIPV, en partenariat avec le Bureau sous-régional de la FAO pour l’Amérique centrale. Ce premier exercice de simulation jamais mené en Afrique auparavant a constitué une étape importante pour la région. Des représentants des pays du COMESA, à savoir du Burundi, des Comores, de l’Égypte, de l’Érythrée, de l’Éthiopie, d’Eswatini, de Madagascar, du Congo, du Malawi, de la Somalie, du Soudan et du Zimbabwe, se sont réunis à Nairobi pour participer à un exercice de simulation intégral, de la préparation à l’intervention face à l’apparition d’un premier foyer ou d’un cas positif, en passant par l’enrayement des végétaux infectés.
Tout au long de la semaine qu’a duré la simulation, divers scénarios ont été appliqués aux différents points d’entrée, notamment dans une exploitation agricole et dans un laboratoire de diagnostic. Grâce à ces simulations en conditions réelles, menées dans un environnement opérationnel contrôlé, les participants ont pu tester et améliorer leur préparation pour faire face à une apparition de foyer de Fusarium TR4 en renforçant leurs capacités, en améliorant leur compréhension des techniques, des outils et des ressources, et en améliorant la coordination et l’application des techniques de réduction des risques. Dans le cadre de l’exercice, les participants ont travaillé à l’élaboration des éléments d’un plan d’urgence couvrant tous les aspects clés du système d’intervention d’urgence.
Participants dans une exploitation et dans un laboratoire de diagnostic lors de l’exercice de simulation organisé au Kenya © KEPHIS
L’un des piliers de la réussite de cet exercice de simulation a été le transfert de compétences entre le Bureau sous-régional de la FAO pour l’Amérique centrale et la région du COMESA. «Je remercie tout particulièrement nos collègues de la FAO et du Secrétariat de la CIPV. Cet exercice de simulation, et tout le travail réalisé pour le préparer, a considérablement bénéficié de la somme des capacités et de l’expérience acquises en vue de former les participants et de définir et mettre à jour des feuilles de route et des actions concrètes dans chacun des pays qui ont participé à ce premier exercice», a déclaré Yoseph Shiferaw Mamo, responsable de la Division de l’industrie et de l’agriculture du Secrétariat du COMESA lors de la cérémonie d’ouverture au Kenya.
Étant donné que les effets des changements climatiques accroissent la menace posée par les organismes nuisibles d’apparition récente, il importe plus que jamais de renforcer les capacités de préparation et de réaction dans le domaine phytosanitaire. Après la réussite du projet de facilitation des échanges du COMESA, les exercices de simulation demeureront une priorité pour le Secrétariat de la CIPV, et le transfert de connaissances vers d’autres régions se poursuivra dans le cadre du Système d’alerte et d’intervention en cas d’apparitions de foyers d’organismes nuisibles.
Informations connexes:
Coordination mondiale de la CIPV sur la race tropicale 4 (TR4) de Fusarium oxysporum f. sp. cubense.